Quel territoire voulons-nous habiter en 2060 ?
Sophie Paviol, Commissaire de l'exposition
L’exposition présente l’évolution de la forme urbaine de six villes de Haute-Savoie, de la période précédant le rattachement à la France jusqu’à aujourd’hui. Elle propose une simulation pour 2060. Cette histoire cartographiée donne à voir la croissance d’Annecy après 1945, la transformation de la bourgade d’Annemasse en ville transfrontalière, la naissance de Chamonix-Mont-Blanc comme véritable ville à la montagne, l’extension de Cluses en ville-vallée, le développement de Rumilly entre les deux Savoie et la manière dont Thonon-les-Bains a reconstruit la ville sur la ville. Les villes sont également montrées telles qu’elles sont aujourd’hui.
Ce parcours cartographique et photographique dans les villes de Haute-Savoie révèle la diversité des entités qui constituent chacune d’elles (îlot, immeuble-barre, espace vert, quartier industriel, quartier pavillonnaire…) et autant de manières de fabriquer la ville et son articulation au territoire.
Le Journal de l’exposition offre des points de vue reconnus d’architectes et d’urbanistes sur la ville et son projet. Certains sont désormais historiques (La charte d’Athènes a été élaborée en 1933), tous développent des thèmes entrant en résonance avec les questions qui sont celles des villes de Haute-Savoie aujourd’hui. Ils sont là pour éclairer la dimension historique de la construction des villes et stimuler de nouvelles approches.
Regarder de plus près la structure de la ville dense et sa capacité à accueillir des usages nouveaux (Aldo Rossi, architecte italien, en 1966). Dépasser l’opposition de la ville moderne à la ville ancienne (Colin Rowe, théoricien américain de la ville, en 1978).
Ne pas négliger ce qui se passe à l’extérieur des villes : la transformation progressive du territoire en une seule nébuleuse urbaine (André Corboz, historien de l’urbanisme, en 1992).
Si Richard Rogers (architecte anglais) en appelle à la ville dense comme réponse aux problèmes d’écologie et de mixité sociale (1997), pour Bernardo Secchi (urbaniste italien), la ville contemporaine est inévitablement hétérogène et distendue (2000) ; ce qui n’empêche pas l’élaboration de projets pour la ville contemporaine.
Une chronologie permet de situer les architectures construites en Haute-Savoie depuis 1860 dans la production (édifices, villes et textes d’architectes et d’urbanistes sur la ville) en France et dans le monde, et de mieux saisir les cultures architecturales qu’elles cristallisent.
Cette chronologie n’est pas exhaustive. Elle privilégie la description spatiale d’édifices remarquables et de villes pour donner envie de les découvrir.
De la ville sarde au territoire transfrontalier.
En 1860, l’enjeu était d’assimiler le territoire de la Savoie à la France. Les infrastructures territoriales étaient renforcées et les villes dotées des institutions représentatives de l’État français. Aujourd’hui revient la question de l’articulation de ce territoire frontalier aux métropoles européennes voisines (Genève, Lyon et Turin). Interrogé sur le territoire de la Haute-Savoie en 2060, Bernard Debarbieux, professeur de géographie à l’Université de Genève, souligne la capacité de ce département à diversifier ses ancrages territoriaux.
La Haute-Savoie et ses villes se rapprochent de Genève pour constituer l’agglomération franco-valdo-genevoise, de l’Italie pour protéger le massif du Mont-Blanc, des villes du sillon alpin pour donner forme à une métropole multipolaire, des territoires suisse, autrichien et italien et plus globalement de l’arc alpin pour inventer une nouvelle entité territoriale : transnationale, métropolitaine et alpine.
Sophie Paviol est architecte, historienne de l’architecture du XXe siècle. elle est enseignante à l’École nationale supérieure d’architecture de Grenoble et chercheuse au laboratoire des Métiers de l’Histoire de l’architecture.