L’embellissement de la ville

l’Hôtel de ville d’Annecy (1851)

Le plan de coloration de Turin

1880-1850

À Turin, l’Ancien Régime s’écroule en 1798, dès l’entrée des troupes françaises dans la ville. Le Conseil des Édiles est dissous. La cité baroque, entre les mains des architectes nommés par Napoléon Bonaparte, fait l’objet d’une réforme systématique qui vise à donner une physionomie différente de la ville, entièrement planifiée. Le nouveau Conseil des Ediles commence à rédiger le plan de coloration de la ville de Turin en 1808. […]

Le Conseil des Édiles continue l’œuvre entreprise par la génération précédente, au 18ème siècle, où avaient été émis plusieurs plans partiels sur la rectification du tracé des rues. Il les complète et les englobe en un plan général comprenant la totalité du territoire urbain. Mais c’est surtout sur la conception architecturale du vieux centre historique de la ville que l’intervention du Conseil se révèle efficace. Le centre de Turin fait, grâce à lui, l’objet d’une réforme radicale et d’une restructuration totale. […]

Le but de la couleur est, selon les cas, de souligner, de corriger, et même, là où l’édifice présente de fortes anomalies ou des erreurs irréparables, d’en atténuer les effets. Il faut qu’elle collabore à l’ordonnance des façades, en accentue l’apparence, la rendant plus visible et plus nette, en distingue tous les éléments, c’est-à-dire les structures de remplissage et les parties décoratives. D’où le caractère polychrome de ce système de coloration. C’est une polychromie qui veut imiter, en particulier, la « polychromie permanente » des structures en pierre. Les soubassements, les encadrements et les corniches de couronnements, les piliers et les architraves sont très souvent associés à la pierre de taille et doivent par conséquent évoquer les matériaux qu’ils représentent : « le rez-de-chaussée… sera coloré en pierre dite Sarizzo », « colonnes, corniches de toute espèce, et ornements en pierre grise claire ». Bref, il ne suffit pas que l’édifice soit solide et robuste ; il doit aussi en donner l’impression. La couleur, aussi, doit obéir à la loi de la « solidité apparente ».

Giovanni Brino et Franco Rosso sont architectes. Colore e città. Il piano del colore di Torino 1800-1850, assessorato alla edilizia del comune di torino e idea editions, Milan, 1980, pages 15 à 17.

L’architecture néo-classique n’est pas réservée aux édifices officiels. Elle est parfois présente dans la vieille ville où dominent les habitations et les commerces.

Le réseau des percées du Paris haussmannien

1853-1882

La capacité d’Haussmann à maîtriser la ville toute entière contraste singulièrement avec la pratique antérieure, pauvre en actions d’envergure et bien incapable de porter la réflexion elle-même au niveau de l’ensemble urbain. La mise en place d’un outil administratif et technique développé, la Direction des Travaux de la Seine, serait la preuve la plus nette de la pleine dimension des préoccupations haussmanniennes.

Il ne faut cependant pas imaginer que le contrôle de la ville par Haussmann se fait partout, ni surtout à tous les niveaux et à travers toutes les instances.
Haussmann est loin d’avoir à créer une ville de toutes pièces : il travaille sur un espace déjà largement structuré ; il n’agit pas sur toute la structure mais sur certains éléments seulement, de manière sélective et par des modes d’intervention spécifiques. C’est ainsi, comme le montre le contenu même du plan de Napoléon III, que l’intervention se situe d’abord à un niveau global. Au niveau global appartient le réseau des percées qui cisaillent la ville, auquel sont liées de grandes implantations monumentales comme places, gares, édifices publics importants, etc. Par exemple, les boulevards de Strasbourg et de Sébastopol, ouverts par tranches de 1852 à 1858, établissent une perspective de 2,3 km entre la gare de l’Est et le dôme de la Chambre de Commerce, et distribuent ce complexe d’espaces ouverts que forment à la croisée de Paris le square Saint-Jacques et la place du Châtelet, avec ses deux théâtres disposés de manière symétrique.

Ce réseau double de percées et d’implantations monumentales a un triple objectif : revaloriser les monuments en les isolant et en les reliant visuellement les uns aux autres ; aller contre l’insalubrité et la vétusté et établir partout des images de modernité : l’espace et la lumière ; circuler : de gare à gare, de quartier à quartier.

Il réalise en fait une correction structurelle en manifestant le niveau global de la structure urbaine, niveau représentatif de la nouvelle totalité (la très grande ville, la capitale), celui qui assure la liaison à la dimension de l’ensemble, celui qui comprend les institutions caractéristiques de cet ordre global.

Philippe Panerai et Jean Castex sont architectes et urbanistes, Jean- Charles Depaule est sociologue des formes. Formes urbaines : de l’îlot à la barre, éditions Parenthèses, Marseille, 1997 ; réédition en 2001, pages 19 et 20.

Immeuble d’habitation, milieu XIXe, rue Royale, Annecy.

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