La Complexité du local
Inverser la pensée du projet urbain
Les départements sont une caractéristique forte du territoire français, leur dimension date encore leur création : elle correspond à une journée de cheval. Toutefois leur intérêt est d’avoir été établis à l’échelle de la circulation rapide d’alors et de correspondre aujourd’hui à une autre échelle de circulation qui peut être celle des déplacements quotidiens. Les départements nous permettent donc de prendre conscience de la réalité actuelle du territoire caractérisée par la diversité des échelles spatiales et temporelles de notre vie contemporaine. En les mettant en rapport avec celles d’hier, nous pouvons imaginer celles de demain.
À chacune de ces échelles correspond un mode d’organisation du territoire qui trouve son effectuation dans la diversité des modes de pensée des projets architecturaux. En effet ce qui est premier pour la pensée architecturale, ce sont les relations des édifices aux villes et aux territoires. À chaque échelle correspondent des outils de projet spécifiques. On ne projette pas une bonne construction durable ou soutenable comme la densification des villes, même si
les deux questions sont liées dans la pratique du projet par la même ambition d’habiter respectueusement la terre.
Le département de la Haute-Savoie, par son héritage de la grande histoire européenne en tant que partie de l’ancienne Savoie et par sa relativement courte histoire française, est un territoire qui recueille une diversité de cultures : la culture urbaine des petites villes alpines, celle des anciennes capitales, des traditions rurales et des nouveaux modes d’habiter la montagne du XXe siècle hérités des sports d’hiver. Ces différentes cultures cohabitent sur le même terrain, créant localement une complexité qui en est la richesse architecturale c’est-à-dire humaine.
La Haute-Savoie, riche de cette diversité culturelle, nous oblige à imaginer de nouvelles formes d’urbanisation pour répondre à l’accroissement continu du nombre de ses habitants. Les nouveaux outils de représentation issus des techniques de l’information numérisée comme les plus anciens outils de représentation tels la mappe Sarde (1730), les différentes cartes, gravures, photos, les dessins, permettent, une fois croisés, de comprendre la diversité des cultures inscrites sur le territoire. Ce qui va permettre d’en imaginer le futur.
La difficulté aujourd’hui est que l’on doit inventer des modèles qui répondent à la fois au souhait d’habiter respectueusement la terre et correspondent à la spécificité du lieu. Ils doivent donc être « globaux » et « locaux ». L’aménagement du territoire en France mis en place à la suite de l’industrialisation du XIXe siècle fonctionnaient sur un modèle unique.
La planification urbaine du XXe siècle prenait en compte la diversité des vitesses, mais le cadrage spatial ne posait pas de problème, on « zoomait » dans un référent spatial unique. Aujourd’hui le territoire est paramétré de mille manières différentes : réseaux écologiques, réseaux routiers, ferrés, activités quotidiennes sociales, sportives, culturelles, écoles, commerces, etc…
Chaque paramètre présente une lecture du territoire qui est relativement autonome, la difficulté est de les croiser. Nous avons les outils techniques pour le faire, en particulier la cartographie dynamique, la difficulté est d’inventer une nouvelle pensée du projet, une nouvelle culture du territoire. C’est là que l’histoire du territoire, entendu comme organisme vivant et richesse commune à tous ses habitants, vient à notre secours.
À partir de cette histoire l’imagination du futur peut inventer de nouveaux modes d’habiter. En effet il s’agit aujourd’hui d’inverser la tendance de l’urbanisation qui repose sur le mode plurimillénaire de penser les villes et leur extension à partir de leur centre. C’est au contraire aujourd’hui le « vide » qui doit être programmé, la non-urbanisation. D’où la nécessité de la densification de l’habitat.
Pour exister la Nature doit être reconnue, c’est-à-dire, en termes spatiaux, aménagée. Il faut donc inverser la pensée du projet urbain pour que la Haute-Savoie, comme les autres territoires de la planète, puisse encore trouver la qualité de ses espaces dans leur diversité. Le succès de son développement au XXe siècle peut en faire une pionnière des nouveaux modes de gestion écologique des territoires.

Chaque paramètre présente une lecture du territoire qui est relativement autonome, la difficulté est de les croiser. Nous avons les outils techniques pour le faire, en particulier la cartographie dynamique, la difficulté est d’inventer une nouvelle pensée du projet, une nouvelle culture du territoire. C’est là que l’histoire du territoire, entendu comme organisme vivant et richesse commune à tous ses habitants, vient à notre secours.
À partir de cette histoire l’imagination du futur peut inventer de nouveaux modes d’habiter. En effet il s’agit aujourd’hui d’inverser la tendance de l’urbanisation qui repose sur le mode plurimillénaire de penser les villes et leur extension à partir de leur centre. C’est au contraire aujourd’hui le « vide » qui doit être programmé, la non-urbanisation. D’où la nécessité de la densification de l’habitat.
Pour exister la Nature doit être reconnue, c’est-à-dire, en termes spatiaux, aménagée. Il faut donc inverser la pensée du projet urbain pour que la Haute-Savoie, comme les autres territoires de la planète, puisse encore trouver la qualité de ses espaces dans leur diversité. Le succès de son développement au XXe siècle peut en faire une pionnière des nouveaux modes de gestion écologique des territoires.
Françoise Very est architecte. Professeur à l’école nationale supérieure d’architecture de Grenoble, elle est directrice du laboratoire des Métiers de l’Histoire de l’architecture.